La Suède est souvent citée en exemple en matière d’égalité entre les sexes. En 2016, elle apparait dans le quatuor de tête du classement « Global Gender Index », qui calcule les progrès relatifs aux disparités économiques dues au genre. Pourtant, les femmes sont encore largement sous-représentées dans les médias et la culture des pays scandinaves, si bons élèves soient-ils. Forts de ce constat, Lina Thomsgård a décidé de s’en remettre au formidable levier de ressources qu’est le crowdsourcing, pour assurer une représentation plus égalitaire des femmes dans la société suédoise.
Le crowdquoi ?
L’expression crowdsourcing est surtout utilisée pour parler d’une pratique managériale, qui consiste à externaliser des activités à une foule (the crowd), soit à un grand nombre d’acteurs anonymes la plupart du temps (Howe, 2006). Grâce aux avancées technologiques, il est désormais plus facile de regrouper une « foule » pour lui permettre d’exprimer son opinion ou de proposer de nouvelles idées. De grandes multinationales comme Procter&Gambel ou Starbucks ont très vite saisi le potentiel de cette pratique et masteurisé l’art de recourir à la « sagesse des foules » (Surowiecki, 2004)
Dans le cas qui nous intéresse, l’utilisation du crowdsourcing à travers les réseaux sociaux permet d’avoir accès à un réservoir de compétences, d’idées et de ressources extrêmement dense et varié. Plus qu’un « phénomène eutrepreunerial » (Turner&Killian, 1972) cette activité peut servir dans biens des contextes différents, pour solutionner des défis scientifiques, technologiques, environnementaux et même de société.
Il était une fois Equalisters, la liste « égalitaire » des internautes
And there I realized that there were only men on the list of DJs for the month. So I told them, ‘‘I’ll find you 100 DJs who aren’t men!”
Lina Thomsgård est une jeune femme suédoise, féministe engagée et passionnée par les réseaux sociaux. Elle a toujours été choquée par l’absence de voix féminines dans les médias et la culture de son pays. Cette sous-représentation aurait en effet un impact fondamental sur le grand public, et sur sa perception des rôles dans la société. Un soir de mars 2010, alors qu’elle était dans une boîte de nuit de la capitale, Lina s’est étonnée de ne voir que des hommes sur la liste de DJs du mois. En questionnant le gérant sur l’absence de femmes sur la liste, il lui a répondu qu’il n’y en avait tout simplement pas à sa connaissance « There just weren’t any ». La jeune suédoise lui promet de trouver 100 femmes Djs d’ici le lendemain.
Prenant conscience du challenge conséquent qui l’attend, Lina décide de créer une page Facebook « Equalisters », la liste égalitaire (Rattviseformedlingen en suédois), incitant les internautes à lui donner des noms de femmes Djs compétentes. Deux heures plus tard, quelques 200 personnes avaient rejoint la page et la liste recensait déjà plus de 130 femmes. Le pouvoir du crowdsourcing était en marche !
Un écho retentissant
La portée de l’initiative se veut rapidement plus large. Grâce à un réseau grandissant d’internautes, les listes Equalisters permettent de rétablir une représentation plus égalitaire dans de nombreux contextes, de la culture à la politique, de l’économie aux médias. Vous cherchez une chroniqueuse, physicienne, programmatrice, conférencière, bassiste ? Nous vous en trouverons une centaine !
Aujourd’hui, la page facebook suédoise compte plus de 82’000 abonnés et 600 listes ont été créées grâce au crowdsourcing sur Facebook et Twitter. Equalisters est devenu un service social largement reconnu à travers le monde et plusieurs fois récompensé en Suède. L’initiative à but non-lucratif est en mesure de proposer des alternatives à divers médias, organisations et entreprises pour bousculer les normes dominantes en matière de représentation et de participation des femmes dans la société. Il semblerait que grâce au pouvoir des réseaux sociaux et de ses internautes, le fameux « there just weren’t any » ne soit plus jamais une excuse en Suède!
Plus d’informations sur Equalisters:
https://rattviseformedlingen.se/equalisters/
Références:
- Howe J. (2006), «The Rise of Crowdsourcing», Wired. Adresse : http://www.wired.com/wired/archive/14.06/crowds.html
- Burger-Helmchen T. et Pénin J. (2012) « Crowdsourcing d’activités inventives et frontières des organisations », Management International, Numéro Spécial Gestion des Connaissances, Société et Organisation, vol. 16, p. 101-112. https://www.erudit.org/revue/mi/2012/v16/nmi0284/1012396ar.pdf
- Surowiecki, J. (2004) « The Wisdom of Crowds ». New York: Anchor Books. http://archives.rfg.revuesonline.com/revues/26/RFG-levier_de_gestion.pdf
- Turner R.H., Killian L.M. (1972) « Collective Behavior ». Englewood Cliffs: Prentice-Hall. http://archives.rfg.revuesonline.com/revues/26/RFG-levier_de_gestion.pdf
Images:
- https://ideascale.com/innovation/employee-crowdsourcing/
- http://www.harpersbazaar.com/culture/features/g4201/famous-feminists-throughout-history/
- https://www.facebook.com/rattviseformedlingen/?fref=ts
Auteure: Olivia Gachoud
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