Vendredi 11 octobre 2019 : De grandes multinationales comme Visa, Mastercard ou encore eBay ont annoncé qu’elles mettaient fin à une future collaboration dans le projet Libra. Avec l’opposition des régulateurs qui ne cesse de croître, le projet de monnaie numérique de Facebook fait face à un nouveau coup dur. Sera-t-il toujours prévu dans le courant du deuxième semestre de l’année prochaine ?
Le projet de monnaie numérique lancé par le célèbre réseau social Facebook ne séduit plus autant et doit faire face à la défection d’un grand nombre de ses plus grands partisans. Des groupes comme Visa et Mastercard, des émetteurs de carte bancaire, ou encore Ebay, une plateforme de commerce en ligne, ont annoncé officiellement qu’ils se retiraient du consortium.
«Nous allons continuer à évaluer la situation et nous prendrons notre décision ultime en fonction d’un certain nombre de facteurs, y compris la capacité de l’association à répondre de façon entièrement satisfaisante à toutes les attentes des régulateurs.»
Un des portes-paroles de la société Visa.
Qu’est-ce que la libra ?
La libra est le terme choisi pour désigner la future cryptomonnaie du géant californien. Elle sera indexée à un panier de devises stables, qui sera composé plus précisément de 50% pour le dollar, 18% l’euro, 14% le yen 11% la livre sterling et 7% le dollar singapourien. Son objectif sera de « développer une devise et une infrastructure financière mondiales simples, au service de milliards de personnes ». Et tout cela, depuis Genève, la capital de la finance durable.
Les internautes pourront envoyer la cryptomonnaie à l’autre bout du monde en quelques secondes comme il est déjà possible de procéder actuellement à des transferts d’argent à travers des applications comme Pumpkin ou Lydia. Pour faire cela, le réseau social va mettre en place une application prénommée « Calibra », qui offrira la possibilité en un simple clic sur le portable d’acheter de vendre et de stocker les libras. De plus, elle permettra de régler des achats chez les commerçants partenaires tel que Spotify et Uber. Et en principe sans frais… ou presque ! Car, en effet, on imagine mal Mark Zuckerberg ne retirer aucun profit de ses 2,7 milliards d’utilisateurs des plateformes du groupe (Facebook, Messenger, WhatsApp et Instagram).
L’Europe est divisée
Une forte pression est appliquée sur le réseau social et ses partenaires, qui ont des doutes sur les éventuelles menaces de la cryptomonnaie. La réputation de Facebook du au récents scandales concernant la protection des données à caractère personnelles joue actuellement en leur défaveur…
Tout comme les sénateurs américains, la Commission européenne a demandé des informations supplémentaires à Facebook à travers un questionnaire. Chargé des services financiers de la Commission, Valdis Dombrovskis pose ces nombreuses questions afin d’y voir plus clair dans les enjeux du projet de la société américaine et avant tout sur l’éventuel besoin de mettre en place un cadre juridique pour cette future cryptomonnaie. L’instauration d’un cadre serait une condition sine qua non pour lancer une cryptomonnaie stable selon le G7, qui s’est réuni dernièrement à Washington.
Les Européens, quant à eux, restent constamment sur leur garde. Citons par exemple la France, qui mène l’opposition. Le ministre français de l’Economie Bruno Le Maire affirme que « la souveraineté monétaire des principales économies européennes » sont mis en péril. Lors d’une conférence sur les monnaies numériques à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), il a rajouté que « nous ne pouvons pas autoriser le développement de la libra sur le sol européen ». Avec l’Italie et l’Allemagne comme alliés, les français organisent un ensemble d’initiatives afin d’empêcher clairement l’existence de cette monnaie.
Le ministre soutient que « nous n’accepterons pas qu’une entreprise multinationale privée ait la même puissance, la même puissance monétaire que les États souverains qui sont soumis au contrôle démocratique; […] c’est-à-dire au contrôle du peuple». Ils veulent avant tout préserver l’autonomie des Etats et ils voient surtout ce projet non comme une alternative aux monnaies existantes mais plutôt une manière de faire un maximum de profit dans le domaine des services de paiement.
Le sort de la cryptomonnaie sur le continent européen s’annonce compliqué. En effet, la capital de la Belgique craint qu’un simple laisser-passer dans l’un des 28 pays membres de l’Union offre une brèche au géant Facebook. En d’autres termes, cela permettrait à « l’internet de l’argent » de s’installer de manière globale sur le Vieux continent avec ses avantages… mais également avec ses nombreuses lacunes. C’est pourquoi il est important avant tout d’évaluer les risques : l’instabilité de la devise numérique, le blanchiment d’argent, le financement illicite, l’évasion fiscale, la protection des consommateurs, etc. Cette monnaie doit encore répondre à de nombreuses « questions légitimes » et donner toutes les « garanties nécessaires ».
Quel est l’avis des régulateurs ?
« Il est encore trop tôt pour se prononcer.»
Afin de convaincre les plus sceptiques des régulateurs et des gouverneurs, Facebook n’a pas hésité à faire le tour du globe. La Suisse n’y échappe pas non plus, mais aucune des grandes institutions comme la Banque nationale suisse (BNS) ou l’autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma) n’ont affirmé l’exactitude des propos concernant ce projet. La banque centrale helvétique considère que « il est encore trop tôt pour se prononcer». Néanmoins, elle prétend accompagner « avec la plus grande attention les développements dans le domaine de la fintech afin d’identifier précocement les plus importants pour son mandat, notamment celui d’assurer le bon fonctionnement des systèmes de paiement sans numéraire». La Finma, quant à elle, suit de près le sujet de cette monnaie à travers les médias mais ne nous dit rien. Pour le moment, aucune information n’a filtré si une requête pour obtenir une licence a été faite ou même tout simplement si elle leur est indispensable.
«Le voyage sera long et difficile.»
Maintenant, il faut observer si les personnes adhèrent à cette nouvelle monnaie et si elle compte rivaliser avec les circuits bancaires traditionnels. L’association libra ne fait pas, à ce jour, l’objet d’un examen en particulier. Par contre, les partenaires, c’est-à-dire les fournisseurs de services liés à la cryptomonnaie, qui ont une interaction avec les consommateurs, auront l’obligation de suivre la législation des pays dans lequels ils opéreront. Dante Disparate, le porte-parole de l’association, a affirmé lors d’une interview à Genève qu’il fallait «de l’audace et une certaine force morale pour entreprendre un projet aussi ambitieux que Libra».
Quoi qu’il en soit, Facebook devra faire preuve de beaucoup de patience et d’agilité pour mener à bien son projet. Ce ne sont pas les opposants qui manquent. Quant à l’éventuelle réussite du projet du géant californien, l’avenir nous le dira !
Auteur: José GOMES DA COSTA
Sources :
– https://www.tdg.ch/high-tech/defections-cascade-libra/story/19438946
– https://www.tdg.ch/economie/argentfinances/fronts-durcissent-libra-facebook/story/17679599
– https://www.letemps.ch/economie/fonctionnera-libra-nouvelle-monnaie-facebook
– https://www.tdg.ch/lematindimanche/libra-systeme-paiement-rapide-quasiment-gratuit/story/16635395
– https://www.letemps.ch/economie/facebook-veut-sauver-libra
– https://www.tdg.ch/economie/europeens-veulent-libra/story/11062355
– https://www.letemps.ch/economie/lassociation-libra-officiellement-mise-pied-geneve
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