Médias sociaux ou quand la vie privée n’existe plus

Près de 2.91 milliards d’individus, soit 39% de la population mondiale, sont actifs sur les différents médias sociaux. Ce qui signifie que près de 3 milliards d’individus ont décidé de partager une partie de leurs vies, de leurs informations personnelles, de leurs activités quotidiennes ou de leurs souvenirs. Cela signifie également que ces contenus peuvent être vus et utilisés par près de 3 milliards de personnes.

Big Brother is watching you

En 2013, l’ex-informaticien de la CIA et de la NSA, Edward Snowden, rend public avec l’aide des médias des documents secrets mettant en cause les pratiques de certaines agences de renseignement gouvernementales anglo-saxonnes. Selon ces documents, l’utilisation de données personnelles provenant des bases de données appartenant, entre autres, aux GAFAM et aux NATU, serait fréquente et permettrait de surveiller une bonne part de la population.

Dans une moindre mesure et avec notre consentement (rappelez-vous, nous avez accepté les conditions d’utilisation), les entreprises achètent à prix d’or nos informations. Celles-ci leur serviront à mieux nous comprendre, à satisfaire nos attentes au mieux ou à orienter leur département R&D dans la bonne direction. Tout cela dans le but de mettre sur pieds des stratégies plus efficaces pour nous compter parmi leurs clients.

Cette abondance de données permet également une surveillance interpersonnelle. Bien que les contenus que vous diffusiez soient généralement destinés à vos proches, ils sont souvent accessibles par d’autres.

Ainsi le responsable des ressources humaines de votre entreprise, votre agent d’assurance ou des cybercriminels pourront aisément connaître de nombreuses informations à votre sujet.

La révélation concernant certaines pratiques gouvernementales de surveillance ainsi que l’utilisation de nos données par des tiers semblent projeter l’œuvre dystopique de George Orwell de la science-fiction à la prophétie. « 1984 » dépeint, en partie et avec un peu de retard, une société sous surveillance constante à laquelle notre civilisation ressemble de plus en plus.

C’est la vie… privée

Le problème de la préservation de la vie privée n’est pas nouveau. Au cours du 19ème siècle, l’essor de la presse et celui du reportage photographique conduisirent la société à s’interroger sur le droit à la vie privée. Ainsi, la règle du right to be left alone, proposant que l’individu ait la possibilité de garder ses propos et ses comportements privé aussi longtemps que ceux-ci ne portent préjudice à personne, fut l’un des fondements de la législation encadrant la vie privée en occident.

Le véritable problème aujourd’hui, malgré des tentatives de restrictions par des groupes d’utilisateurs ou des états faisant parfois appel aux autorités judiciaires, est la démocratisation de certains comportements. Ainsi, la diffusion de certaines informations qui étaient considérées jusqu’alors personnelles, est devenue habituelle. Ces nouvelles normes sont le fruit d’un refus catégorique de la pars des grande entreprises d’élargir les possibilités de confidentialité et une acception progressive des utilisateurs de mettre à disposition ce type d’information. Ces mêmes utilisateurs qui s’alignent petit à petit sur les autres membres des réseaux pour évaluer ce qui est diffusable ou non.

La confidentialité et l’intimité,
non plus dépendantes uniquement des idiosyncrasies individuelles, deviennent donc
contextuelles, sujettes à concertation collective.

CASILLI, A. (2013)

Cependant, la plupart des membres de ces réseaux ont un avis similaire concernant leur identité numérique. Selon eux, elle n’est pas équivalente à leur identité réelle. Ainsi, pour les utilisateurs de médias sociaux, leur alter ego numérique n’est en fait qu’un rôle qu’ils jouent en s’inspirant plus ou moins de leur véritable vie. Ils ne diffusent donc pas tout et ne partage pas leur vie dans son ensemble mais plutôt des échantillons qui leur permettent de créer leur identité numérique.

Auteur: Mathias Vallat

Pour en savoir plus sur :

Sources

  • CASILLI, A. (2013). Contre l’hypothèse de la « fin de la vie privée ». Revue française des sciences de l’information et de la communication. Vol 3. Repéré le 30.11.17 sur : http://rfsic.revues.org/630
  • CHOMBEAU, A. (2016, 19 septembre). Comment se protéger de l’atteinte à la vie privée sur Internet?. Huffington Post. Repéré le 02.12.17 sur : http://www.huffingtonpost.fr/alexandre-chombeau/protection-vie-privee-internet_b_12070438.html
  • DELCROIX, E. (2010). Médias sociaux et évolutions de la vie privée. Les Cahiers Dynamiques. Vol 47 (2). pp 94-101.
  • UNTERSINGER, M., SZADKOWSKI, M. (2013, 13 août). Sur le web, le « paradoxe de la vie privée ». Le Monde. Repéré le 02.12.17 sur : http://www.lemonde.fr/societe/article/2013/08/01/sur-le-web-le-paradoxe-de-la-vie-privee_3456070_3224.html
  • VALLET, C. (2012). Le dévoilement de la vie privée sur les sites de réseau social. Des changements significatifs. Droit et société. Vol 80 (1). pp 163-188.

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